
Le sol n’est pas un espace neutre
Sous la surface, le sol n’est ni homogène ni passif. Il est structuré par des réseaux fongiques complexes, véritables infrastructures biologiques assurant les échanges nutritifs entre plantes, micro-organismes et minéraux.
Or, toutes les plantes ne participent pas de la même manière à ces réseaux. Certaines en dépendent fortement, d’autres en sont totalement exclues. Ces différences peuvent créer des incompatibilités fonctionnelles, souvent invisibles mais déterminantes dans la réussite ou l’échec d’un système végétal.
1. Plantes mycorhiziennes vs non mycorhiziennes
1.1 Les plantes mycorhiziennes : une dépendance structurelle
La majorité des plantes terrestres (environ 80 à 90 %) établissent des symbioses mycorhiziennes, notamment :
- mycorhizes arbusculaires (Glomeromycota),
- ectomycorhizes (arbres forestiers).
Ces plantes ont évolué avec :
- des systèmes racinaires relativement fins,
- une capacité limitée d’exploration du sol sans partenaire fongique,
- une dépendance aux hyphes pour l’accès au phosphore, aux oligo-éléments et à l’eau.
Sans mycorhizes fonctionnelles, leur croissance est souvent ralentie ou déséquilibrée, même en sol fertile.
1.2 Les plantes non mycorhiziennes
Certaines familles végétales sont dites amycorhiziennes ou très faiblement mycorhizées. Elles incluent notamment :
- les Brassicacées,
- les Chénopodiacées,
- certaines Caryophyllacées.
Ces plantes :
- ne forment pas de symbioses mycorhiziennes,
- développent des stratégies alternatives (racines très fines, exsudats spécifiques),
- peuvent même produire des composés antifongiques.
Elles sont parfaitement adaptées à fonctionner hors réseau, mais leur présence modifie profondément la dynamique fongique locale.
2. Déséquilibres dans les réseaux fongiques
2.1 Fragmentation du réseau mycorhizien
Lorsqu’un sol est dominé par des plantes non mycorhiziennes :
- les hyphes fongiques perdent leurs hôtes,
- le réseau se fragmente,
- les échanges interplantes diminuent.
Ce phénomène est particulièrement marqué dans :
- les rotations mal conçues,
- les cultures monospécifiques répétées,
- les potagers intensifs à base de Brassicacées.
2.2 Effet sur les plantes voisines
Les plantes mycorhiziennes voisines peuvent subir :
- une réduction de l’absorption du phosphore,
- une moindre résistance hydrique,
- une sensibilité accrue au stress.
La concurrence n’est pas directe, mais structurelle, par affaiblissement de l’infrastructure biologique commune.
2.3 Rupture des réseaux interplantes
Les recherches sur les réseaux mycorhiziens montrent qu’ils assurent :
- le transfert de carbone,
- la redistribution de nutriments,
- parfois des signaux de stress.
Une plante non mycorhizienne insérée dans un système fortement mycorhizé agit comme une zone morte fonctionnelle, interrompant la continuité du réseau.
3. Cas particulier des Brassicacées
3.1 Une stratégie évolutive antifongique
Les Brassicacées (choux, radis, moutarde, colza) produisent :
- des glucosinolates,
- des isothiocyanates,
connus pour leurs propriétés antifongiques et biocides.
Cette stratégie leur permet :
- de limiter les pathogènes,
- de coloniser rapidement des sols perturbés,
- de concurrencer les symbioses fongiques existantes.
3.2 Utilité agronomique… mais à manier avec discernement
Ces propriétés font des Brassicacées :
- d’excellents engrais verts,
- des plantes de rupture sanitaire,
- des pionnières après perturbation du sol.
Cependant, utilisées sans stratégie, elles peuvent :
- appauvrir temporairement la biomasse mycorhizienne,
- pénaliser les cultures suivantes dépendantes des mycorhizes (fruitiers, légumineuses, solanacées).
3.3 Gestion intelligente dans une vision OMAKËYA
Dans une approche systémique :
- on séquence leur usage dans le temps,
- on évite leur dominance permanente,
- on réensemence biologiquement le sol après leur passage (plantes mycorhiziennes, compost mûr, BRF).
Les Brassicacées ne sont ni “bonnes” ni “mauvaises” : elles sont contextuelles.
4. Vision OMAKËYA : penser les compatibilités invisibles
OMAKËYA ne considère pas seulement la plante visible, mais :
- son réseau relationnel souterrain,
- ses alliances biologiques,
- son héritage évolutif.
Principes directeurs :
- ne jamais raisonner plante par plante,
- observer les familles botaniques,
- préserver la continuité mycorhizienne,
- alterner rupture et reconstruction biologique.
Un jardin qui ignore ses champignons
se prive de sa mémoire souterraine.
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